Qui sommes nous ?
Cette société savante a pour objectif de promouvoir, sous l’angle scientifique, l’histoire des ordres et décorations en France et à l’étranger par le traitement et le commentaire de sources, la mise en relation de centres documentaires et scientifiques existants et la publication d’une revue et d’ouvrages spécialisés.
Elle est parrainée par l’Institut Napoléon.
Présentation et but de la Société savante
La SHOD est une société savante a pour objectif de promouvoir, sous l’angle scientifique, l’histoire des ordres et décorations en France et à l’étranger par la recherche, le traitement et le commentaire de sources, la mise en relation de centres documentaires et scientifiques existants et la publication d’une revue et d’ouvrages spécialisés.
Elle est parrainée par l’Institut Napoléon, dont le président d’honneur est le professeur Jean Tulard, membre de l’Institut et bénéficie du concours de la Fondation Napoléon et de l’American Society of the French Legion of Honour. Son siège est à la Sorbonne, à l’Ecole pratique des Hautes Études (IVe section, sciences historiques et philologiques) 45 rue des Ecoles F-75005 Paris.
Qu’est ce que la phaleristique ?
La phaléristique (dérivée du mot phalère) est une science auxiliaire de l’histoire qui a pour objet l’étude des ordres, décorations et médailles. L’apport de cette science auxiliaire est de déchiffrer et comprendre la présence d’ordres, décorations et médailles sur différents supports (tableaux, photographies, armoiries, papiers, monuments). Plus généralement d’aider le travail de l’historien en lui donnant des outils de datation.
Les décorations (au sens large du terme) officielles, non officielles (religieuses, associatives, d’entreprises) attribuées à des personnes physiques ou morales, peuvent entrer dans ce champ d’étude, et cela quel que soit le pays, l’ensemble de pays et la période historique étudiée. Les grandes familles principalement étudiées par la phaléristique :
- les ordres religieux et hospitaliers voir ordres militaires;
- les ordres de chevalerie;
- les ordres de mérite;
- les décorations;
- les médailles;
- les insignesde distinction et de fonction.
Les États sont les seules habilités à créer (modifier, supprimer) des ordres, décorations et médailles. Ces récompenses sont les seules décorations officielles existantes et de port autorisé. La dernière liste des décorations officielles françaises susceptibles d’être portées a été émise par la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur le 27
L’institution des récompenses
L’institution des récompenses, ou plus exactement des marques d’honneur, remonte à la plus haute antiquité. L’humanité, constituée en société, a rapidement éprouvé un besoin de conserver le souvenir des événements honorables, et de désigner à l’attention de tous, ceux qui avaient contribué à leur accomplissement et à leur succès.
Mais il convient, dans un premier temps, de définir ce que représente une décoration. Sans conteste, la distinction symbolisée par les ordres et décorations place ceux qui la reçoivent au-dessus de leurs semblables, en les désignant à leur respect et à leur admiration. Strictement personnelle, non héréditaire, elle doit être décernée par une autorité souveraine, seule juge d’apprécier l’opportunité de la conférer. Aussi pare-t-elle son bénéficiaire d’un prestige tout moral et, par là même, exalte en principe son désintéressement.
Cependant, si le sens d’une décoration réside dans l’attention que lui attribue le bénéficiaire, il réside également, sinon plus, dans celle que lui reconnaît l’ensemble des membres du groupe social au sein duquel il vit. Une médaille, ou une croix suspendue à un ruban, n’attirera le respect sur celui qui la porte, que si les autres savent qu’il s’agit d’une « distinction » due à de grands services, et non d’un bijou acquis ou hérité.
Il est, à ce titre, nécessaire de faire une distinction entre deux conceptions de marque d’honneur. Celle qui répond à la définition de « décoration » : objet d’aspect déterminé, arme ou bijou, qu’un Gouvernement remet à ceux de ses ressortissants qui ont, par une cause strictement définie, bien mérité de la Patrie.
Ce système exista dès l’Antiquité, où l’on considérait les récompenses comme un encouragement à la valeur militaire. A Athènes, les récompenses décernées au courage, au talent et à la vertu consistaient en armures d’honneur, en monuments érigés pour perpétuer la gloire des grands hommes, en solennelles funérailles des guerriers morts au combat.
Les Romains, quant à eux, accordaient aux plus vaillants des phalères[1], plaques de bronze rondes fixées sur les cuirasses, et aussi plusieurs sortes de couronnes : l’obsidiale, la vallaire, la civique, la triomphale composée de branches de laurier.
Les « médailles », fondées suivant les mêmes principes pour valoriser des actes éminents, en sont aujourd’hui la continuité. Elles sont ainsi remises pour un acte ou une série d’actes déterminés, dans un cadre orienté vers des services particuliers rendus au pays ou, plus récemment, à une organisation internationale. Ce système de décoration permet à tous de savoir dans quels domaines, civils ou militaires, son titulaire a mérité la reconnaissance de la patrie.
Imprégné des grandes traditions germaniques, conforté par l’idéal chrétien et exalté par le proche souvenir des croisades, le Moyen Âge mit peu à peu au point un mode de récompense infiniment plus subtil et nuancé, celui de l’Ordre. Ce terme, appartenant initialement au vocabulaire religieux, signifie qu’un Ordre constitue d’abord une « Compagnie » liée par des règles formelles à une discipline toute tournée vers la proclamation de la foi chrétienne, sa défense et celle de ses représentants. Dans cette institution, bien plus complexe que celles des médailles, l’objet décoration devient secondaire. La véritable récompense consiste à entrer dans cette compagnie auquel la gloire de ses membres donne toute sa valeur.
Là encore, la tradition germanique s’y aperçoit nettement, où les meilleurs guerriers, compagnons du prince, forment autour du Chef une sorte de garde d’honneur, vivant à ses côtés et mangeant à sa table comme au combat. Cet atavisme germain demeure une coutume statutaire de certains grands Ordres, tel que l’Ordre suédois des Séraphins, où un banquet d’apparat succède, chaque année, aux cérémonies religieuses.
Ces Ordres grouperont, en effet, autour des grands maîtres, les meilleurs de leurs « chevaliers », et les deux notions s’uniront si étroitement que, de nos jours, les membres des Ordres portent toujours le même titre que ceux qui les précédèrent dans les plus illustres « institutions » : Jarretière d’Angleterre, Toison d’or de Bourgogne, Annonciade de Savoie, enfin Saint-michel et Saint-esprit de France.
Au début du XVIIIème siècle, deux grands Ordres furent fondés en Prusse. Le premier fut l’Ordre de l’Aigle noir, créé le 17 janvier 1707, par Frédéric Ier, électeur de Prusse, à la veille de son couronnement comme roi, pour être conféré aux princes de sang, aux princes étrangers et à trente personnages éminents. La distinction était composée d’une croix portée en écharpe de gauche à droite, au moyen d’un large ruban orange, et d’une plaque d’argent appliquée à gauche de la poitrine. La devise de cet Ordre était « Suum cuique » (à chacun suivant son mérite).
Un deuxième Ordre fut créé à cette même période par Georges Guillaume, prince héréditaire de Brandebourg-Anspach et Bayreuth, sous le nom d’Ordre de la Sincérité. Réorganisé en 1734, sous le nom d’Aigle rouge de Brandebourg, il fut réuni aux ordres prussiens en 1792 et remanié, en dernier lieu le 18 octobre 1861, par le roi Guillaume Ier pour devenir l’Ordre de l’aigle rouge. Composé d’une croix d’argent à aigle rouge et suspendue à un ruban blanc bordé de rouge, sa devise était: « Sincere et constanter » (sincérité et constance).
Si, depuis le Moyen Âge, les souverains n’instituèrent que des ordres nobiliaires, les ordres dits de mérite, ouverts à tous, sans distinction de naissance, apparurent en Europe à la fin du XVIIème siècle et ne se généralisèrent qu’à partir du XIXème siècle. Il s’agit là d’une véritable révolution, ces créations permettant la reconnaissance inconditionnelle du mérite d’où qu’il vienne, c’est-à-dire, implicitement, celle de l’égalité sociale.
La décoration « Pour le mérite » fut créée en 1667, par Léopold Ier, sous le nom d’ordre de la Générosité pour devenir Ordre du Mérite en 1740. Cet ordre initialement réservé aux militaires fut complété, par Frédéric-Guillaume IV le 31 mai 1842, d’une classe civile (Friedensklasse) réservée aux savants, hommes de lettres, peintres, sculpteurs et musiciens.
La classe militaire de l’ordre pour le mérite n’est plus attribuée depuis 1918 mais la Friedensklasse a été reconstituée par une initiative du Président fédéral Théodor Heuss en 1952 et continue d’être décernée par les 24 membres allemands, donc une corporation privée non étatique sous la protection du Président fédéral. Le bijou différait pour les militaires et les civils ; mais le ruban était le même pour les deux catégories : noir, à liséré blanc.
Les mérites féminins, dans l’histoire de l’Allemagne, ont eu légitimement droit à la reconnaissance. Ainsi au XIXème siècle furent créées deux distinctions : l’Ordre de Louise, institué le 3 août 1814 par Frédéric-Guillaume III, et la Croix de mérite, le 22 mai 1871 à l’initiative de Guillaume Ier, roi de Prusse et empereur allemand.
Depuis maintenant deux siècles tous les Ordres créés dans le monde entier, se sont directement inspirés des statuts de la Légion d’honneur. Ce n’est pas l’effet du hasard. Ceux-ci répondent parfaitement aux impératifs qu’une société actuelle exige d’une « distinction ».
Leur efficacité s’avéra si éclatante que, dans les décennies suivantes, toute l’Europe monarchique imitait la Légion d’honneur, soit par la création de nouveaux ordres, tels les ordres de Léopold en Autriche ou du Lion de Zahringen dans le pays de Bade, soit par la modification d’anciennes institutions, à l’instar de l’Ordre du Danebrog au Danemark.
Comme l’écrivait très justement le Général Catroux, alors qu’il était Grand chancelier de la Légion d’Honneur : « L’institution des décorations est pour la collectivité, dont elle atteste l’esprit de justice et de gratitude, un élément de force et d’ascension et, pour ses bons serviteurs, le miroir loyal reflétant leurs mérites. »
L’histoire des Ordres de mérite démontre que depuis leur institution ces hautes récompenses répondent à une aspiration bien légitime de tous ceux qui se distinguent par des faits d’armes. D’autres, sans verser leur sang, donnent le meilleur d’eux-mêmes dans des tâches souvent obscures et ingrates.
Que l’on soit militaire ou civil, la Patrie ne réclame pas toujours des actes héroïques et les services rendus peuvent mériter tout autant une distinction lorsqu’ils sont accomplis dans un bureau ou un laboratoire. Certains contribuent par leur rayonnement intellectuel, artistique ou même sportif au renom de l’Allemagne.
Au lendemain du cataclysme qui avait frappé le monde, il est apparut tout à fait juste et nécessaire qu’il existe une marque distinctive, une « distinction honorifique » propre à la jeune République fédérale d’Allemagne.
Sept années après la disparition du national-socialisme et alors que la République fédérale d’Allemagne était à la veille d’intégrer le monde occidental comme entité politique souveraine, les autorités politiques prirent donc conscience de la nécessité absolue de donner à leur pays un système de récompense aussi prestigieux que pratique. Celui-ci, outrepassant le stade de la marque d’honneur, devait apporter une véritable contribution à la constitution d’une élite la plus large possible que la jeune république fédérale se cherchait.
Jusqu’à nos jours, la création d’un insigne de récompense demeure une attribution étroitement attachée aux fonctions de celui ou de ceux qui détiennent le pouvoir. Aussi, la fondation d’un Ordre est toujours un acte politique destiné à lier plus étroitement à l’État une catégorie sociale dont l’attachement s’avère particulièrement souhaitable.
Aujourd’hui, l’Ordre du mérite est la seule grande récompense nationale allemande destinée à honorer les mérites profitables à la collectivité. Il repousse toute idée de ségrégation religieuse, raciale ou ethnique et, a contrario, est destiné à unir sous un même signe tous les mérites rendus à l’Allemagne par les Allemands.
Néanmoins, à l’instar des grands ordres européens, l’Ordre du Mérite fait également une large place aux étrangers. Alors que la plupart des États étrangers remettaient aux Allemands avec lesquels ils entretenaient des relations diplomatiques, militaires ou commerciales des récompenses pour services rendus, il apparaissait indispensable que, sous le signe de la réciprocité, l’Allemagne pût à son tour disposer d’une décoration prestigieuse.
Comme le soulignait le Français, Jules Méline, Ministre de l’Agriculture en 1883, lors de son rapport du décret instituant l’Ordre du Mérite agricole : « Pour qu’elles atteignent leur but les décorations doivent rester désirées et désirables, il ne faut pas les prodiguer. ».
Aussi, les législateurs ont voulu garder le prestige d’un Ordre national en définissant, pour sélectionner les postulants, des conditions strictes d’ancienneté et de titres évitant ainsi que les dossiers de propositions ne mentionnent, au paragraphe des titres à la décoration, que des activités accomplies dans le cadre normal des fonctions du candidat.
Certes toute charge, quelle qu’elle soit, longuement remplie avec scrupule et conscience s’inscrit au bénéfice de la collectivité dans laquelle ses effets se déploient.
Il apparaît donc souhaitable que l’État en témoigne par un insigne honorable, mais cette activité ne peut avoir le même impact que celle qui, sortant des limites fixées par ses règles, représente une volonté désintéressée de donner ou de faire plus qu’il n’est demandé, en un mot, de se « distinguer » : trait de courage éclatant pendant une action militaire, missions civiles se situant sur un plan exceptionnel.
Pour les Citoyens, l’espoir de se voir distinguer ne constitue pas une fin en soi, par conséquent les grades, formant différents paliers à atteindre successivement, laissent constamment le mérite en haleine, et incitent sans cesse, plus ou moins consciemment, les membres de l’Ordre du mérite fédéral à se surpasser eux-mêmes.
Alexandre Wattin
Membre du CA en charge des relations internationales
Président de l’ORFACE
[1] On nomme phaléristique la science des décorations.