Revue La Phalère, Numéro 2

Éditorial

Cette nouvelle livraison de La Phalère affirme son caractère européen en nous conviant à un itinéraire historique de Berlin à Saint-Petersbourg et de Rome et Paris. Michel Kérautret, talentueux disciple du regretté Professeur Roger Dufraisse, décrit la genèse de la fondation des ordres prussiens de l’Aigle noir, de Pour le mérite – dans ses deux versions, militaire et académique – et de la croix de fer. Sa démonstration nous rassérène quant à la vigueur des études germaniques en langue française.

Tatiana Gontcharova, doctorante sous la direction du Professeur Jean Tulard, centre son propos sur l’ordre de Saint-Georges, tout en dessinant un rapide panorama des autres institutions chevaleresques russes. Elle nous dit combien cet ordre militaire eut de significations politiques dès sa création, en 1769, par Catherine II, tant ce martyr cappadocien, soldat de métier, était le saint préféré des Grecs orthodoxes dont l’importante communauté, au sein de l’Empire ottoman, faisait l’objet d’une protection très interessée de la part de la Russie : la victoire de Tchesmé, en 1770, remportée sur les Turcs, en apporte la « preuve diplomatique » à l’Occident chrétien. Cherardo Casaglia, sous prétexte de nous présenter un historique très poussé de l’ordre de l’Éperon d’or créé en 1559 par le pape Pie IV, nous rapporte, avec cette délectation de l’esprit que nous lui connaissons, la présentation d’audience à laquelle W. A. Mozart, accompagné de son père, fut invité par le pape Clément XIV, le 8 juillet 1770, après que le cardinal Pallavicini l’eût reçu, le 5, chevalier de la Milice dorée. Éminent spécialiste de Mozart, le Professeur Casaglia est le seul Italien décoré de la Coldene Mozart-Nadel et son Catalogue des œuvres du grand compositeur fait autorité. Enfin, Thierry Lentz, l’un de nos meilleurs spécialistes du Consulat et de l’Empire, dans une notice très fournie, donne un tableau de la « dotation honorifique » réservée à ses ministres par Napoléon ler, en particulier sous la forme de décorations.

L’empereur avait su montrer la nécessité de fédérer les élites du pays au sein d’institutions de mérites et de récompenses.

Ainsi, à travers le prisme de l’Histoire, apparaît clairement l’apport des ordres européens à notre corpus symbolique, source d’identité. C’est la leçon qu’inspirent ces articles au-delà de la logique des faits.

Éric Ledru
président