Revue La Phalère, Numéro 8
Éditorial
Le 17 octobre prochain, la Société française d’histoire des ordres et décorations fêtera son vingtième anniversaire. Ce sera l’occasion de dresser le bilan de ses activités passées.
Notre société savante a bénéficié dès sa naissance des parrainages les plus prestigieux au sein de son Comité d’honneur et a œuvré pour demeurer digne de la confiance que ces éminents scientifiques lui ont manifestée.
Elle a reçu pour ses premiers pas le soutien moral de l’Institut Napoléon, technique de l’Ecole pratique des Hautes Etudes et financier décisif de la Fondation Napoléon et de l’American Society of the French Legion of Honor, lui permettant d’organiser un symposium international sur « Napoléon et la Légion d’honneur » au palais du Louvre en octobre 1998 et de publier les actes de ce colloque en 2000, constitutifs du premier numéro de La Phalère.
En huit numéros de notre Revue d’histoire des ordres et décorations, La Phalère, nous avons publié 87 articles ou papiers d’informations sur le thème de la phaléristique et demeurons la seule revue généraliste française en la matière.
Des chercheurs parmi les plus reconnus ont signé ces travaux, bien souvent totalement inédits ; ainsi les articles sur « La création de l’ordre des Arts et des Lettres et les autres ordres ministériels, 1870-1957 » par Anne de Chefdebien, « Les origines de la Légion d’honneur » par Maître André Damien, « Les décorations israéliennes » par Jean-François Dubos, « Muséographier la Légion d’honneur » par Jean-Marcel Humbert, « L’ordre des Trois Toisons d’or, 1809-1813 » par Jacques Jourquin, , « Les armes d’honneur : une pratique révolutionnaire institutionnalisée par Bonaparte », par Thierry Lentz, « L’ordre de Charles XIII, une décoration suédoise réservée aux francs-maçons » par Pierre Mollier, « Aperçu technique de l’arme de récompense », par Michel Pétard, « Un ordre européen sous l’Empire : l’ordre de la Réunion » par Isabelle du Pasquier, « Honneur et déshonneur : destin de légionnaires après 1815 » par Natalie Petiteau, « Les armoiries de Napoléon Ier, roi d’Italie » par le baron Hervé Pinoteau, « Les corsaires et la Légion d’honneur », par Patrick Villiers.
Le champ d’investigation s’est voulu le plus large possible, autant historiquement (de « Guerre et honneur en Grèce ancienne » par Jean-Baptiste Bonnard, à « L’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne » par Eric Daubard) que géographiquement (du « Plus glorieux des ordres russes : la croix de Saint-Georges » par Tatiana Gontcharova à « L’ordre de Tahiti Nui, la Légion d’honneur polynésienne ? » par Jean-François Dubos.
Ainsi s’est formée au fil des ans une véritable petite encyclopédie phaléristique (voir dans le présent numéro la liste complète des articles p. 123-126).
Il faut souligner que notre société savante s’est déclarée dès l’origine ouverte aux auteurs venant de tous les horizons, afin d’éviter les risques de sclérose intellectuelle ; c’est ainsi que l’on y trouve les signatures d’un ministre, d’universitaires et de jeunes chercheurs, de serviteurs de l’Etat, d’ingénieurs, de médecins et d’entrepreneurs à l’image du monde des passionnés de phaléristique.
***
Dans la livraison du n° 8 de notre revue, vous trouverez de quoi satisfaire votre inlassable curiosité :
Vous y verrez d’abord brossé le portrait d’un Italien, Ettore Mutti (1902-1943), qui brûla sa vie dans l’aventure fasciste, réalisant ainsi une devise du Duce : « Ma théorie, c’est l’action ». Il en mourut.
En contrepoint, vous découvrirez ensuite le très exemplaire destin de Nelly Kopp (1921-2015). Son père avait reçu la Croix de Fer en 1914, ayant combattu en Pologne en tant que Mosellan, alors que son grand-père avait reçu la Médaille commémorative française de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 ! Elle-même entra très jeune dans la Résistance où elle connut un parcours exceptionnel et oeuvra dans les services secrets.
Enfin, la question de l’autorisation du port des décorations du IIIe Reich et de la RDA fut réglée dans ses principes dans le premier cas par la loi du 26 juillet 1951 et dans le deuxième par les lois résultant de la Réunification du 3 octobre 1990. Les anciennes médailles militaires du Reich sont ensuite remplacées par de nouveaux modèles sans svastika. Seuls les insignes des organisations criminelles : le NSDAP, la SA et la SS demeurent strictement interdits. Les décorations de l’ancien Etat est-allemand peuvent être portées « sous la condition que l’ordre public (…) ne soit pas troublé. »
Cette cuvée 2016 de La Phalère, axée sur le XXe siècle, allant des combats de 1917 à la chute du Mur de Berlin, révèle des énergies vitales souvent opposées – dont les décorations jalonnent leur parcours mouvementé -, comme projetées dans le maelström destructeur de la Vieille Europe.
Résumés en français, allemand, espagnol, italien
par Jean-Charles Benzaken, Gherardo Casaglia, Eric Daubard, Gérald Guétat, Alexandre Wattin
Ettore Muti, l’officier le plus décoré d’Italie
par Gherardo Casaglia
Ettore Muti (que Gabriele D’Annunzio avait surnommé « Gim aux yeux verts ») a été un vrai aventurier qui a participé à toutes les guerres de l’Italie et combattu sur tous les fronts : Frioul, Dalmatie, Ethiopie, Espagne, Albanie, Grèce. Cette carrière exceptionnelle lui a valu un nombre incroyable de décorations, faisant de lui l’officier le plus décoré d’Italie. Sa fin, tragique, paradoxalement n‘est pas intervenue lors d’un combat, car il fut assassiné par la volonté d’un gouvernement de faillite et de transition, lequel craignait, malgré la chute du fascisme, la popularité de Muti. Six mois plus tard le parti fasciste, revenu au pouvoir après la libération de Mussolini, organisait à Ravenne, ville de naissance de Muti, des funérailles solennelles pendant lesquels le coussin recevant 32 de ses 48 ordres et décorations disparut mystérieusement.
Ettore Muti, der meist dekorierte Offizier Italiens
von Gherardo Casaglia
Ettore Muti (den Gabriele D’Annunzio der grünäugige Gim getauft hatte) war ein echter Abenteurer, der an allen Kriegen Italiens teilnahm und der an allen Fronten kämpfte: Friaul, Dalmatien, Äthiopien, Spanien, Albanien, Griechenland. Diese ausserordentliche Laufbahn brachte ihm eine unwahrscheinliche Zahl von Auszeichnungen ein, so dass er zum meist dekorierten Offizier Italiens wurde. Es kann wohl paradox klingen, aber sein Leben endete nicht auf einem Schlachtfeld; er wurde vielmehr nach dem Willen einer bankroten Übergangsregierung, die trotz des Sturzes des Faschismus vor der Beliebtheit Mutis Angst hatte, ermordet. Sechs Monate später, nach der Entlassung Mussolinis, organisierte die wieder an die Macht gekommene faschistische Partei in Ravenna, der Geburtsstadt Mutis, eine pompöse Beerdigungsfeier, während der das mit 32 von den 48 Orden und Auszeichnungen beschmückte Kissen geheimnisvoll verschwand.
Ettore Muti, Italy’s most decorated officer
by Gherardo Casaglia
Ettore Muti (a quien Gabriele D’Annunzio habia apodado “Gim de los ojos verdes”) fue un aventurero de verdad quien participo en todas las guerras de Italia y combatio en todos los frentes : Frioul, Dalmacia, Etiopia, Espana, Albania, Grecia. Esta carrera excepcional le valio una cantidad increible de medallas, haciendo de él el oficial mas condecorado de Italia. Su fin tragico, paradojicamente no tuvo lugar durante un combate, porque fue asesinado por la voluntad de un gobierno fracasado y de transicion, el cual temia, a pesar de la caida del fascismo, la popularidad de Muti. Seis meses después, el partido fascista, vuelto al poder después de la liberacion de Mussolini, organizaba en Ravena, ciudad de donde era oriundo Muti, funerallas solemnes durante los cuales el cojin que recibia 32 de sus cruces y medallas desaparecio misteriosamente.
Ettore Muti El oficial mas condecorado de Italia
Por Gherardo Casaglia
Der Verdienstorden der Italienischen Republik wurde 1951 gestiftet, also kurz nach Ende des zweiten Weltkriegs, und ist somit der erste nationale Orden jenseits der Alpen. Er ist zwar das Erbe früherer Auszeichnungen ist und seine Insignien reich an charakteristischen Symbolen sind, dazu mit einer atypischen Stufe (Ritter Großkreuz mit Schärpe), hat er anlässlich seines fünfzigjährigen Bestehens im Jahre 2001 eine tiefe Umgestaltung erfahren. Die Insignien wurden beispielsweise wesentlich verändert und erinnern nun an den Orden der Krone von Italien.
Auf diese Weise ist die „italienische Ehrenlegion“ in das dritte Jahrhundert eingetreten, mit dem festen Willen, ein ruhmreicher Orden zu sein. Durch seine Funktionsweise und seine Träger kommt die hervorragende Qualität hinsichtlich der italienischen Nation voll zum Ausdruck.
Die Stiftung dieses Ordens ist eines der seltenen Beispiele für die Gründung eines nationalen Verdienstordens im 20. Jahrhundert zwischen Tradition und Modernität.
Ettore Muti, L’ufficiale più decorato d’Italia
di Gherardo Casaglia
Ettore Muti (che Gabriele D’Annunzio aveva soprannominato « Gim dagli occhi verdi ») fu un vero soldato di ventura che aveva combattuto in tutte le guerre dell’Italia e su tutti i fronti: Friuli, Dalmazia, Etiopia, Spagna, Albania, Grecia. Per tale ragione aveva collezionato un numero spropositato di medaglie sì da essere giustamente considerato l’ufficiale più decorato d’Italia. La sua fine, tragica, fu paradossalmente non in battaglia, ma per mano assassina, armata da un governo di transizione, fallimentare, che temeva, nonostante la caduta del fascismo, la sua popolarità. Sei mesi dopo il partito fascista, ritornato al potere con la liberazione di Mussolini, gli celebrò a Ravenna, sua città d’origine, dei funerali solenni durante i quali il cuscino con 32 delle sue 48 croci e medaglie scomparve misteriosamente.
Nelly Kopp Une vie au service d’autrui
par Eric Daubard
Nelly Kopp appartient à ces inconnus qui ont cependant contribué à écrire une page de l’Histoire. Déjà toute jeune fille elle ne put supporter le joug nazi en Moselle. Elle entra bientôt dans la résistance locale et travaillait à la fin de la guerre pour les services secrets. Après la Libération, elle continua de se consacrer à autrui. Elle devint ainsi entre autres présidente de la Croix-Rouge de Fontainebleau-Avon, où elle parvint à créer et développer un jumelage avec la Croix-Rouge de la ville de Constance en Allemagne. Jusqu’à la fin de sa vie, elle aida son prochain et reçut pour cela les plus hautes distinctions. Mais tous ceux qui ont eu la chance de la connaître ont toujours mis en avant son abnégation et sa modestie.
Nelly Kopp, ein Leben voller Opferbereitschaft und Bescheidenheit
bei Eric Daubard
Nelly Kopp gehört zu jenen Unbekannten, die dennoch einen Abschnitt in der Geschichte geschrieben haben. Schon als sehr junge Frau hat sie das Joch der Nazis im Moselland nicht ertragen können. Sie trat also in die Résistance (*französische Widerstandsbewegung) ein und arbeitete am Ende des Krieges sogar für den Geheimdienst. Nach der Befreiung widmete sie sich weiterhin Anderen. Sie wurde zum Beispiel zur Vorstandvorsitzenden des Roten Kreuzes von Fontainebleau berufen, wo es ihr gelang, eine Partnerschaft mit dem Roten Kreuz von Konstanz ins Leben zu rufen und zu entwickeln. Bis zum Ende ihres Lebens half sie ihren Mitmenschen und wurde dafür hoch dekoriert. Aber alle die das Glück gehabt haben, sie kennen zu lernen, haben immer ihre Opferbereitschaft und ihre Bescheidenheit hervorgehoben.
Nelly Kopp A life devoted to the service of others
by Eric Daubard
Nelly Kopp belongs to these unknowns who anyway contributed to write a page of the History. As a young girl she was already not able to stand the Nazi yoke in Moselle. She soon entered the local resistance and worked during the end of the war for secret services. After the Liberation, she continued to dedicate herself to others. She became so, among others, president of the Red Cross of Fontainebleau-Avon where she succeeded in creating and in developing a twinning with the Red Cross of the city of Constance in Germany. Till the end of her life, she helped people and received for that the highest distinctions. But all those who were lucky to know her always put forward his self-abnegation and modesty.
Nelly Kopp Una vida al servicio del projimo
Por Eric Daubard
Nelly Kopp es una de esos desconocidos que tanto contribuyeron a escribir una pagina de la Historia. De jovencita ya no pudo soportar el yugo nazi en Moselle. Pronto participo en la resistencia local y trabajaba al final de la guerra para los servicios secretos. Después de la Liberacion, siguio consagrandose a los otros. Es asi como se hizo, entre otras cosas, presidenta de la Cruz Roja de Fontainebleau-Avon, en la que consiguio crear y desarrollar un hermanamiento con la Cruz Roja de la ciudad de Constancia en Alemania. Hasta el final de su vida, ayudo al projimo, y por eso recibio las mas altas distinciones. Pero todos los que tuvieron la suerte de conocerla siempre destacaron su abnegacion y su modestia.
Nelly Kopp Una vita al servizio degli altri
di Eric Daubard
Nelly Kopp fa parte di quegli sconosciuti che hanno peraltro contribuito a scrivere una pagina di Storia. Ancora ragazza non poteva sopportare il dominio nazista nella Mosella. Entrò da subito nella Resistenza locale e lavorò a fine guerra per i servizi segreti. Dopo la Liberazione continuò a consacrarsi agli altri. Divenne tra l’altro presidente della Croce Rossa di Fontainebleau-Avon, dove riuscì a creare e sviluppare un gemellaggio con la Croce Rossa della città di Costanza in Germania. Fino al termine della sua vita aiutò il prossimo e ricevette per questo le più alte distinzioni. Ma tutti coloro che ebbero la fortuna di conoscerla hanno sempre sottolineato la sua abnegazione e la sua modestia.
Quid du port de décorations du IIIe Reich et de la République démocratique allemande ?
par Alexandre Wattin
Après l’unification des deux Allemagnes le 3.10.1990 un grand nombre de questions non résolues et ne figurant pas dans le traité d’unification se posèrent. En 40 ans les deux Etats allemand avaient évolué de manière trop opposée. Aussi, se posa la question de la légalité non déterminé du port des distinctions délivrées par l’Allemagne de l’Est dans l’Allemagne réunifiée. Dans cet article nous présentons un parallèle aux dispositions énoncées dans la Loi de 1957 régissant le port des décorations national socialistes des années 1933 à 1945.
Quid des Tragens von Orden des III Reiches und der DDR ?
Bei Alexandre Wattin
Nach der Vereinigung der beiden deutschen Staaten am 3. 10. 1990 ergaben sich noch eine Vielzahl von ungeklärten Problemen, die im Einigungsvertrag nicht festgeschrieben worden sind. Zu unterschiedlich hatten sich beide deutsche Staaten in 40 Jahren entwickelt. Rechtlich noch nicht abschließend geklärt ist die Frage des Tragens von in der DDR verliehenen Auszeichnungen im vereinten Deutschland. In diesem Artikel ergeben sich Parallelen zu den im Ordensgesetz von 1957 festgelegten Bestimmungen, die das Tragen von national sozialistischen Auszeichnungen der Jahre 1933 bis 1945 regeln.
What about the wear of decorations of the IIIrd Reich and of the German Democratic Republic?
par Alexandre Wattin
After the unification of both Germany on October 3rd, 1990 a large number of unsolved questions which were not appearing in the treaty of unification arose. In forty years, both German States had evolved in too much opposite ways. So, the question raised of the not determined legality of the display of the distinctions awarded by East Germany in reunited Germany. In this article we present a parallel to the decisions expressed in the law of 1957 governing the wear of the National Socialists decoration from 1933 to 1945.
Qué fue del uso de las condecoraciones del Tercer Reich y de la Republica democratica alemana ?
por Alexandre Wattin
Después de la unificacion de la dos Alemanias el 3 de octubre de 1990, se plantearon un gran numero de cuestiones sin resolver y que no figuraron en el tratado de unificacion. Durante cuarenta anos los dos estados alemanes habian evolucionado de una manera demasiado opuesta. Por consiguiente se planteo la cuestion de la legalidad sin determinar del uso de la condecoraciones otorgadas por la Alemania del Este en la Alemania reunificada. En este articulo presentamos un paralelo con las disposiciones enunciadas en la ley de 1957 que rige el uso de las condecoraciones nacional-socialistas de los anos 1933 a 1945.
Cosa argomentare sulle decorazioni del 3e Reich della Repubblica Democratica Tedesca?
di Alexandre Wattin
Dopo l’unificazione delle due Germanie il 3 ottobre 1990 sopravvennero numerose questioni che non erano state risolte e che non figuravano sul trattato d’unificazione. In quarant’anni i due stati tedeschi si erano sviluppati in modi troppo opposti. Così si pose il problema (non affrontato nella Germania riunificata) sulla legalità del possesso di distinzioni onorifiche rilasciate dalla Germania Orientale.
In questo articolo presentiamo un parallelo con le disposizioni della Legge del 1957 regolanti il possesso delle decorazioni nazionalsocialiste degli anni 1933-1945.